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Latulippe contre l'UdA

Un long conflit

 

Tous les artistes avec lesquels Gilles Latulippe faisait affaire étaient de la vieille école, celle où une parole vaut autant qu'un document signé et souvent, les contrats étaient faits verbalement. Pour l'Etat comme pour l'Union des Artistes, le burlesque n'était pas considéré comme un art digne d'intérêt jusqu'au jour où l'UdA, en 1976, décida d'aller réclamer le 6% de cotisation qui lui aurait soit-disant été dû. L'UdA reprochait notamment au Variétés de ne pas payer le tarif de base à ses comédiens, de ne pas leur donner accès à la caisse de retraite et au droit de grief. Mais ironiquement, sans le Variétés, nombre de ces artistes auraient été sans emploi et sans ressources car non éligible à la caisse de retraite de l'UdA. Gilles Latulippe et les patrons de cabarets signèrent une lettre déclarant qu'ils n'étaient en aucun cas sous la législation du l'UdA et qu'ils refusaient par conséquent de reconnaître les contrats officiels fournis par celle-ci. Plus que les cabarets, c'est surtout le Théâtre des Variétés qui était visé par ces démarches. La plupart des artistes de variétés, ceux que l'Union avait jusqu'alors snobé, se regroupèrent derrière Latulippe pour faire front commun contre l'UdA. Une guerre de procédure qui allait s'éterniser était dès lors engagée. 

 

Si Latulippe refuse la juridiction de l'UdA dans son théâtre, il n'est pas le seul. Mais il est le seul sur qui l'UdA s'est acharné!

 

En janvier 1985, finalement un accord est conclu: il se conformera aux règles de l'UdA pour le théâtre, mais pas pour les spectacles de variétés. L'UdA déclare alors que les contrats signés avant le 29 janvier ne sont plus valides et que les artistes doivent signer de nouveaux contrats qui respectent l'entente. L'UdA lance un ultimatum à Latulippe: ou les comédiens signent de nouveaux contrats, ou les artistes ne joueront pas. A l'affiche, la pièce "Poivre et Sel" est donc interrompue. A son tour, Latulippe fait appel aux tribunaux et pour avoir le droit de présenter ses spectacles. Le juge Charles Gonthier force l'UdA à cesser d'inciter ses membres à ne pas respecter les contrats signés avec Gilles Latulippe. La comédie "Poivre et Sel" a été jouée 11 fois sur les 46 prévues. Denise Proulx et Robert Rivard, deux ardents syndicalistes, en faisaient partie. Je vous laisse imaginer la belle ambiance qui régnait sur scène et en coulisses! D'ailleurs, on ne les revit plus dans la série télévisée du même nom. Janine Sutto, elle, a toujours été du bord de Gilles. Hélas, la revue de Guilda qui devait prendre l'affiche pour trois mois a dû être annulée. 

 

Gilles a poursuivi l'UdA en dommage et intérêts et a finalement eu gain de cause en 1990 devant la Cour Supérieure. Selon le juge Rouleau, l'UdA n'avait pas le droit d'agir de la sorte, estimant qu'elle a joué sur deux plans à la fois, se faisant juge et partie dans ce litige. Le juge condamne l'UdA a payé 261000$ à Gilles Latulippe.

 

Je ne suis pas certaine de la suite, s'il y a eu appel ou non de la part de l'UdA. Mais en bout de ligne, Gilles a gagné sa cause et l'Union a payé ce qu'elle devait. En 2014, Gilles me disait que certains lui en parlait encore comme s'il avait perdu sa cause et il me disait qu'il voulait écrire quelque chose pour ce site, pour mettre les choses au clair. Malheureusement, il n'en a pas eu le temps. Alors je tenais à le faire pour lui.

 

Gilles Latulippe a gagné contre l'UdA, qu'on se le dise!!